[Interview] Parlez-nous de la mémoire de travail

Valérie Camos est professeur de psychologie du développement à l’Université de Fribourg (Suisse) où elle a créé le Centre de Cognition de Fribourg, un centre de recherche multidisciplinaire.

Nous l’avons interviewée pour qu’elle nous parle d’une fonction fondamentale pour l’apprentissage : la mémoire de travail. Le concept de mémoire de travail « working memory » est né dans les années 1960. Depuis une quarantaine d’années, de nombreux laboratoires de recherche étudient la mémoire de travail. Leurs travaux ont élaboré différents modèles et ont fait évoluer les théories. On en sait donc déjà beaucoup sur la mémoire de travail, ses principaux mécanismes de maintien, ses relations avec la mémoire à long terme, ses liens avec l’attention, et son rôle central dans l’apprentissage. On a acquis des notions sur son développement au cours de l’enfance et son déclin avec le vieillissement. 

Comprendre la mémoire de travail. Quelle image aimez-vous utiliser pour faire comprendre ce qu’est la mémoire de travail ? 

J’aime présenter la mémoire de travail comme un établi d’artisan où l’on construit quelque chose : la mémoire de travail nous permet de construire notre pensée. Et cette simple image montre bien que son fonctionnement est dynamique. 

Je me sers aussi volontiers de l’image de la table de cuisine : on y apporte un ensemble d’éléments bruts (des légumes, des poissons, des œufs, …) ; on travaille certains ingrédients, on en laisse certains autres de côté dans un coin du plan de travail avant de les ajouter, et à la fin on obtient un plat. Ce plat peut être complètement nouveau ou au contraire déjà fait plusieurs fois, mais sa confection s’est passée, de façon active, à cet endroit, à ce moment-là. 

La mémoire de travail comporte le stockage temporel des informations (comme sur ce plan de travail où avant de commencer à cuisiner on va placer les ingrédients nécessaires), puis le traitement des informations (en cuisinant, on transforme les ingrédients). 

La mémoire de travail est un « plan de travail » où se construisent les objets successifs de la pensée humaine, ce qu’on appelle les représentations mentales. 

On définit couramment la mémoire de travail comme la structure cognitive en charge du stockage (ou maintien) à court terme et du traitement des informations.

Dans le cerveau, les différents processus impliqués dans le fonctionnement de la mémoire de travail sont sous-tendus par des réseaux différents. Disons seulement que les processus de plus haut niveau (renvoyant aux diverses fonctions exécutives que la mémoire de travail met en œuvre) sont principalement localisés dans les lobes frontaux.

La table de cuisine (vers 1755) Jean Baptiste Siméon Chardin ( 1699–1779) Museum of Fine Arts, Boston

Quelles sont les relations de la mémoire de travail avec la mémoire à long terme ? 

Les échanges entre mémoire de travail et mémoire à long terme sont continuels. Rappelons que la mémoire à long terme représente le stockage sur une durée théoriquement illimitée de toutes les connaissances et de tous les événements passés d’un être humain. 

Les informations provenant de notre environnement transitent par la mémoire de travail pour être stockées dans la mémoire à plus long terme. Ce rôle de passeur de la mémoire de travail est essentiel dans la mémorisation à long terme de nouvelles informations. 

Prenons l’exemple de la lecture : cet exercice, qui se déroule séquentiellement, met en jeu la mémoire de travail. Lorsque nous lisons un mot, notre mémoire de travail maintient les informations concernant les sons successifs correspondant aux signes écrits, pour que nous puissions les assembler et finalement lire le mot. De même, lorsque nous lisons une phrase, notre mémoire de travail maintient les premiers mots jusqu’à ce que nous arrivions au point final. Une phrase courte dont les mots respectent un ordre logique permet d’éviter la surcharge de la mémoire de travail.

La mémoire de travail permet aussi la création de nouvelles représentations mentales à partir des souvenirs stockés dans la mémoire à long terme. Elle joue ainsi un rôle dans toute forme de pensée et dans la capacité de donner du sens aux informations que nous collectons. 

Ainsi, lorsque nous lisons un texte, nous pouvons comprendre sa signification grâce aux sens des mots, sens stockés dans notre mémoire à long terme. Nous sommes capables de ramener vers la mémoire de travail des connaissances que nous avons acquises antérieurement, qui ont été stockées dans la mémoire à long terme, et qui sont réactivées par l’information nouvelle que constitue le texte que nous sommes en train de lire. Cette réserve de connaissances et le va-et-vient entre mémoire de travail et mémoire à long terme est au cœur de notre faculté à penser.

Et enfin, la mémoire à long terme permet d’augmenter les performances en mémoire de travail. 

Vous en avez tous fait l’expérience. Si on vous dicte un numéro de téléphone, chiffre après chiffre, vous savez que vous allez avoir du mal à le retenir et vous vous dépêchez de l’écrire.  

Mais vous pourriez également vous aider de deux stratégies: l’une consiste à regrouper les chiffres, l’autre, justement, à mobiliser votre mémoire à long terme . Par exemple, à la place de vous rappeler 0 6 1 9 1 4  3 9 4 5 vous pouvez commencer par regrouper les chiffres deux par deux : 06 19 14 39 45. Plus efficace encore, vous pouvez associer ces chiffres à des connaissances – pourvu qu’elles soient stockées dans votre mémoire à long terme. Dans ce cas particulier, une petite connaissance des dates des guerres mondiales va vous aider: 06 1914  39 45. 

Jeune fille lisant (vers 1772) Jean-Honoré Fragonard National Gallery Washington

La mémoire de travail est-elle impliquée dans l’oubli ?

Oui, bien sûr, puisque les informations stockées en mémoire de travail sont particulièrement « volatiles » : elles disparaissent si aucun processus actif de maintien n‘est mis en œuvre. Par exemple, si vous êtes en train de répéter un numéro de téléphone et que vous êtes interrompu pour répondre à quelqu’un, le simple fait de parler bloquera votre maintien du numéro de téléphone et vous allez sans doute l’oublier. Je souligne que ces processus de maintien pour contrecarrer l’oubli en mémoire de travail sont souvent coûteux en terme d’attention. Un exemple en est cette situation que nous avons tous vécue : se rendre dans une pièce et ne plus savoir quel objet nous voulions y trouver car notre attention s’est portée sur autre chose. 

La durée de maintien en mémoire de travail ne se mesure pas en millisecondes ou secondes. Tant qu’un traitement actif d’information est en cours, le maintien persiste. Quand le traitement est terminé, l’information sort de la mémoire de travail, et éventuellement elle disparaît, oubliée. 

L’oubli peut être aussi dû à des interférences entre différentes informations mémorisées. Ainsi, si plusieurs informations se ressemblent, l’oubli se produit car on va les confondre. Il arrive aussi que les informations entendues ou vues pendant qu’on mémorise viennent interférer et empêchent la mémorisation.  

Dans certaines situations cependant, il est possible de mettre la tâche en cours de côté pendant quelques secondes, en attendant de pouvoir la traiter à nouveau. Il arrive que l’on soit interrompu lorsqu’on est en train de parler : d’expérience courante, on sait que l’on peut répondre à la nouvelle sollicitation et ensuite reprendre le fil de la conversation là où on l’avait laissé. Dans la vie quotidienne, on jongle ainsi souvent entre deux tâches, on se partage entre deux tâches.

Cette construction en pâtés de sable donne une idée du caractère éphémère de la mémoire de travail : ces pâtés peuvent tous être abîmés et perdus, mais ils peuvent aussi être reconstruits par un processus actif, tous ou seulement l’un d’entre eux.

On entend souvent parler de mémoire de travail et de mémoire à court terme. Y a-t-il une différence entre les deux ? 

On fait de moins en moins la distinction entre les deux concepts. On s’accorde généralement à ne voir dans la mémoire à court terme que le versant stockage de la mémoire de travail (c’est à dire sans le traitement). Mais, comme il est impossible de stocker sans aucune action pour maintenir l’information (autrement dit sans effectuer de traitement pour maintenir l’information), mémoire de travail et mémoire à court terme se confondent.

Actuellement la littérature scientifique a tendance à préférer le terme de mémoire de travail à celui de mémoire à court terme. 

Quelle est la relation entre mémoire de travail et QI ?

A la fin du 19ème siècle, un maître d’école anglais, Joseph Jacobs, voulait mesurer la capacité mentale de ses élèves : il leur présentait des listes d’items de longueur variable qu’ils devaient immédiatement répéter. En réalité, il mesurait ainsi, pour la première fois, la capacité de la mémoire à court terme.

Actuellement, les dernières versions des tests de QI ont une mesure spécifique de la mémoire de travail.

Le quotient intellectuel est un score mesuré par des tests. Un test d’intelligence comporte plusieurs sous-tests qui sollicitent des fonctions intellectuelles différentes (verbale, non verbale, capacité de raisonnement, mémoire, perception, rapidité, etc.) Les résultats de ces mesures sont regroupés en un score qui est le score de QI, reflet de l’intelligence des individus.  Même si les individus ont des capacités et des talents multiples, nous avons l’intuition qu’il existe une forme d’intelligence générale (on distingue facilement les individus que tout le monde qualifie d’intelligents de ceux qui le sont beaucoup moins) qui s’appliquerait à de nombreux domaines de la vie. De fait, les données recueillies depuis un siècle avec les tests d’intelligence confortent cette intuition. Le score de QI a ses limites et ses défauts, mais ce qu’il mesure est fiable, reproductible et pertinent, puisqu’il prédit bien la réussite scolaire, les revenus professionnels, ainsi que la santé et la longévité. Lire « L’intelligence humaine, dans tous ses états » Franck Ramus (2012)

En raison de son rôle central dans la pensée humaine, la mémoire de travail va partager beaucoup de caractéristiques avec le concept d’intelligence (QI). Ainsi, comme l’intelligence, la mémoire de travail est liée à d’autres capacités comme la flexibilité mentale (c’est à dire de pouvoir facilement passer d’une tâche à une autre) et le contrôle de l’attention. Chez l’enfant comme chez l’adulte, les mesures de capacités de mémoire de travail sont de très bons prédicteurs des capacités de raisonnement ainsi que de la réussite scolaire et du devenir professionnel. 

Tous les apprentissages à l’école impliquent-ils la mémoire de travail ? Certains plus que d’autres ?

Quasiment tous nos apprentissages (lecture, écriture, arithmétique, etc.) – et pas seulement les apprentissages scolaires ! – dépendent des capacités de mémoire de travail. C’est d’ailleurs dans les processus d’apprentissage que le rôle de la mémoire de travail a été mis en évidence. 

Je dirai même que la mémoire de travail est au-delà des apprentissages en tant que tels, puisque lorsque des instructions, par exemple verbales, sont données à un élève, sa mémoire de travail est sollicitée pour stocker puis traiter (comprendre) cette instruction, qui peut être aussi simple que « arrête de discuter avec ton voisin ». 

Bien sûr, plus les instructions ou les apprentissages sont complexes, c’est à dire qu’ils demandent plusieurs sous-étapes ou beaucoup d’informations à maintenir simultanément, plus il y a de chances que la mémoire de travail soit « submergée ». Les apprentissages à l’école sollicitent beaucoup la mémoire de travail, apprentissage de la lecture (déchiffrage, compréhension), raisonnement, compréhension des énoncés et résolution des problèmes arithmétiques.

Quels sont les liens entre mémoire de travail et attention ? 

La mémoire de travail utilise l’attention pour maintenir l’information à court terme et pour effectuer des traitements. L’attention est un peu le carburant de la mémoire de travail. 

Ainsi, la mémoire de travail va diriger l’attention vers les éléments pertinents pour la tâche ou l’activité en cours. Elle doit aussi la détourner des informations non-pertinentes grâce à un processus de sélection attentionnel. 

Mais, l’attention est également utilisée pour traiter les informations qui nous arrivent ou qui sont stockées en mémoire. De ce fait, comme je l’ai dit plus haut, si un événement extérieur vient capter et détourner l’attention ou si une autre activité demande de l’attention, les informations en mémoire de travail seront perdues. 

Cet aspect de contrôle de l’attention par la mémoire de travail est ce qui la différencie du concept de mémoire à court terme, qui, lui, ne renvoie qu’à l’idée de stockage d’informations (comme pour le numéro de téléphone).

L’effort ou la volonté influencent-ils la mémoire de travail ?

L’effort ou la volonté ne peuvent pas modifier la mémoire de travail d’un individu. Mais comme la mémoire de travail utilise l’attention, faire l’effort de rester concentré sur l’activité à faire va permettre de faire un meilleur usage de la mémoire de travail.

Les émotions ont-elles un rôle sur la mémoire de travail ?

Oui, elles jouent un rôle, mais de façon indirecte. Les émotions ont un impact sur la mémoire de travail, en ce sens qu’un évènement porteur d’émotion agit comme un distracteur, un perturbateur de l’attention. 

Par contre, il ne semble pas que l’humeur (positive ou négative) ait un effet direct sur la mémoire de travail. Les ruminations qui existent parfois dans certains états émotionnels peuvent affecter le fonctionnement de la mémoire de travail car ce sont des pensées qui vont « prendre de la place » en mémoire de travail.

On lit partout que le sommeil est indispensable pour mémoriser. La mémoire de travail est-elle affectée par le sommeil ?

Oui ! Le manque de sommeil affecte tous les processus cognitifs, la mémoire de travail ne fait pas exception !

La mémoire de travail évolue-t-elle au cours du développement chez l’enfant ?

Oui, la mémoire de travail évolue avec l’âge. 

Sa capacité augmente de la naissance jusqu’à l’âge de 15 ans environ. C’est d’abord au début de la vie une augmentation de la durée de maintien des informations, puis c’est le nombre d’informations qui peuvent être maintenues qui augmente. 

  • Chez le bébé, la première mise en évidence d’une capacité à garder à l’esprit des représentations pendant un délai apparaît à l’âge de 5-6 mois. 
  • Le développement ultérieur est marqué par une augmentation de la durée pendant laquelle une représentation peut être maintenue en mémoire. Ainsi, l’intervalle de temps pendant lequel une information peut être conservée augmente linéairement à un rythme de deux secondes par mois : les enfants de 7 mois conservent une représentation pendant 2 secondes et les enfants de 12 mois pendant 10 secondes. 

Bien que les mécanismes potentiels responsables d’une telle amélioration restent partiellement inconnus, le développement structurel et fonctionnel du cerveau ainsi que l’augmentation de la vitesse et de l’efficacité du traitement de l’information, sont les deux sources d’amélioration les plus fréquemment mentionnées.

Les études chez les enfants se sont concentrées sur l’augmentation de la capacité de mémoire de travail en termes de quantité d’informations pouvant être conservées. 

Généralement, les tâches d’empan de mémoire de travail, aussi appelées tâches d’empan complexes, sont utilisées pour évaluer ce changement lié à l’âge. Ces tâches impliquent le maintien d’éléments en mémoire (par exemple, des chiffres, des lettres ou des formes géométriques) dont la présentation est entrecoupée d’épisodes de traitement (par exemple, compter des collections de points, entendre ou lire des phrases). Il a été démontré que l’empan – qui est déterminé par le nombre maximal d’éléments pouvant être rappelés à l’aide de cette procédure ou le pourcentage de rappel correct – augmente fortement avec l’âge. 

  • Par exemple, dans l’empan de comptage, les enfants de 6 ans ont un score d’empan de 1.5 et à 12 ans les enfants ont un score de 3.5. 
  • A 15 ans, les adolescents ont des performances similaires à celles des jeunes adultes avec un score proche de 4 dans la plupart des tâches classiques d’empan complexe.

Parmi les différents facteurs qui sous-tendent le développement de la mémoire de travail, le taux d’oubli est probablement l’un des plus évidents et est donc fréquemment suggéré pour expliquer ce développement. 

Le changement de développement de ce taux pourrait reposer sur un plus faible déclin temporel des traces mémorielles chez les enfants plus âgés, sur une meilleure résistance à la distraction ou aux interférences, ou sur l’émergence de stratégies de maintien, comme la répétition subvocale ou le rafraîchissement attentionnel, et leur efficacité qui augmenterait pendant l’enfance. 

Le fait aussi que les enfants vont au cours du temps acquérir plus de connaissances qui seront stockées en mémoire à long terme va aussi permettre cette amélioration des capacités de mémoire de travail. 

Comme évoqué précédemment, l’utilisation des connaissances préalablement apprises aident à la mémorisation à court-terme, par exemple par des stratégies particulièrement de maintien.

Même si la mémoire de travail évolue avec l’âge, il y a des différences de mémoire de travail entre les individus, chez les enfants comme chez les adultes. Ces différences ont un impact réel, et ceci dans les moindres activités quotidiennes (comme suivre une recette de cuisine). 

Peut-on améliorer la mémoire de travail chez l’enfant à l’école élémentaire ? 

Il n’y a pas de recette magique qui améliorerait la mémoire de travail. Le mieux est de s’en servir. Faire des calculs de tête (plutôt qu’avec une calculatrice) peut alors être un exercice utile, car il fait fonctionner la mémoire de travail. 

L’activité mentale est tout aussi nécessaire que l’activité physique. 

Il vaut mieux monter les escaliers que prendre l’ascenseur. Cependant il faut bien sûr tenir compte des capacités de chacun (je pense aux enfants « dys » pour lesquels « prendre l’ascenseur » sera préférable), et de la tâche trop grande que cet exercice peut représenter (je pense ici à la surcharge cognitive).

Oui, on pourrait améliorer les performances en mémoire de travail, si on entend par « améliorer », faire le meilleur usage possible des capacités des élèves, c’est à dire optimiser plutôt qu’améliorer. Mais pour ce faire, il faudrait à tout instant donner à l’élève la quantité maximale qu’il peut traiter et sans le mettre en surcharge. Cela impliquerait un énorme travail de suivi individuel… Ce serait envisageable pour certaines activités grâce à des exercices informatisés qui suivraient la progression de l’élève, mais je ne crois pas que cela soit possible pour l’ensemble des apprentissages scolaires.

Apprendre en répétant jusqu’au par cœur a-t-il un intérêt ?

Cela dépend vraiment du but recherché. On ne peut pas apprendre une poésie sans passer par le par cœur. 

A court terme (quelques secondes), le maintien par répétition verbale est très efficace et peu coûteux. C’est d’ailleurs pourquoi elle est si souvent utilisée. On se répète dans sa tête la consigne (acheter deux baguettes, un pain aux raisins et un croissant) : on réactualise l’information par cette stratégie « d’auto-répétition», ensuite l’information est perdue.

Si on cherche la mémorisation à long terme, il vaut mieux utiliser d’autres stratégies de maintien à court terme, comme

  •  le rafraîchissement attentionnel, qui consiste à focaliser particulièrement son attention sur le contenu à mémoriser 
  •  l’élaboration, qui consiste à enrichir les informations avec des connaissances déjà engrangées dans la mémoire à long terme, déjà connues. 
  • Puis, il sera possible de structurer les représentations de notre mémoire à long terme en les hiérarchisant, ou en les liant par analogie, pour former un réseau solidement connecté de représentations.

La mémoire de travail est-elle affectée chez des enfants ayant des difficultés scolaires ? Comment le mettre en évidence ? Comment y remédier ?

Les élèves en difficulté scolaire et les enfants ayant un trouble « dys » (dyscalculie, dyslexie, dysorthographie, …) ont très souvent un déficit en mémoire de travail. 

Les psychologues scolaires et les neuropsychologues ont des outils de diagnostic qui permettent d’évaluer le fonctionnement de la mémoire de travail et de dissocier un déficit général de mémoire de travail de déficits spécifiques qui ne toucheraient pas qu’un aspect de l’apprentissage.

Si les difficultés scolaires d’un élève sont dues à une faible capacité en mémoire de travail, sa prise en charge nécessite d’adapter les exercices et les activités à son niveau. 

On voit beaucoup de publicité pour des programmes de remédiation ou d’entrainement de la mémoire de travail : il faut savoir qu’aucun d’eux n’a d’effet sur les apprentissages. L’élève, à force d’entraînement, verra augmenter son score à l’exercice auquel il s’est entrainé, mais cela ne se traduira pas par une amélioration de ses performances en classe.

Est-ce utile de parler de la mémoire de travail aux enseignants ?

Je pense en effet qu’il est important que les enseignants soient informés ce que nous savons sur la mémoire de travail. La place de la mémoire de travail dans les apprentissages est trop grande pour qu’ils ne soient pas conscients qu’ils ont « à faire avec » au quotidien. L’image de l’établi ou de la table de cuisine que nous avons décrite au début de l’interview est très utile comme introduction.

Est-ce utile de parler de la mémoire de travail aux élèves ?

Je ne suis pas sûre qu’il faille parler de mémoire de travail aux élèves. En tout cas je ne pense pas que cela puisse directement les aider à son utilisation, et surtout pas pour les élèves les plus jeunes. 

Si on vous expliquait comment fonctionnent toutes les articulations et les muscles de l’épaule jusqu’au bout des doigts, et qu’il vous faille penser à tout cela lorsque vous vous mettez à écrire, vous ne réussiriez plus à écrire…


Pour aller plus loin :

  • Camos, V., & Barrouillet, P. (2018). Working memory in development. Hove, UK: Routledge
  • Camos, V. (Ed.). Numéro Spécial de L’Année Psychologique sur The Development of Working Memory, à paraître en 2020.
  • Barrouillet P. & Camos V. (à paraître en 2021). Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la mémoire de travail. Bruxelles : Mardaga.

Interview réalisée Anne Bernard-Delorme, février 2020.

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